Queerasse, Résistance Queer et Décoloniale
Pour un mouvement autonome des personnes
Queer et Trans* Non-Blanches
QUEERASSE est un projet de fanzine et de création d’évènements par et pour des personnes queer/LGBTI qui subissent le racisme systémique. Pour une plus grande visibilité des personnes queer et trans non-blanches. Afin de définir nos besoins, créer nos espaces, organiser des soutiens locaux, des événements réguliers, pour une organisation politique plus large qui prend en compte les problématiques racistes, sexistes et capitalistes sans hiérarchiser nos oppressions, pour un mouvement autonome de révolté-e-s et de révolutionnaire-s.
Queer et Décolonial
Le mouvement queer et décolonial critique le racisme et la blanchité des théories et des espaces se revendiquant du queer, mais aussi la domination cissexiste et l’hétéronorme des espaces réservés aux personnes non-blanches.
Les étranges personnes de couleur (Queer et Trans People Of Color – QTPOC) se trouvent entre le marteau et l’enclume, entre deux feux. Entre des mouvements qui nourrissent de l’hostilité l’un envers l’autre.
Dans l’impossibilité d’intégrer pleinement des espaces de lutte, il faut les créer soi-même, avec une conscience que la non-mixité est un espace-temps nécessaire, mais pas une fin en soi.
Un espace-temps où nous n’aurions pas besoin de prouver que le racisme nous entame quotidiennement et que les oppressions de genre impactent nos vies avec autant de violence.
Un espace où serait célébrer la diversité, mais pas le néolibéralisme, un espace de réappropriation de nos traditions sans fantasme passéiste, un espace de création politique et de solidarités matérielles, où l’on refuse d’essentialiser et de hiérarchiser nos conditions, où l’on expérimente le changement de paradigme et l’utopie.
Les luttes queer et les luttes anti-racistes sont deux modes sensés ne jamais se rencontrer, pourtant, dans de rares espaces, dans certains corps et dans plusieurs esprits fragmentés, les problématiques post-coloniales et les questionnements queer se rejoignent. Illes co-existent par nécessité, à la lumière de nos expériences et permettent de rendre compte d’une plus grande complexité et de nuances, d’élaborer des stratégies autres.
Parce que nos intérêts politiques sont éclatés, dispersés, passés sous silence, indéfendables par d’autres groupes qui ont décidé de nous épuiser et de nous silencier. Parce qu’ils n’ont pas de solution. Parce qu’ils ne se sentent pas concernés. Parce qu’ils adhèrent à la compétition des minorisés. Parce qu’ils ont des intérêts politiciens et préfèrent le changement de régime à la révolution. Parce qu’ils sont du bon côté du capitalisme. Nos paroles les dérangent, les mettent dans l’inconfort. Ils choisissent de nous tuer.
Les étranges personnes de couleur ont accès à différents espaces-temps sans jamais appartenir totalement à l’un d’eux. Elles sont ancrées dans le passé et vivent déjà dans le futur. Elles sont nomades, voyageuses spatio-temporelles. Les inconvénients de leur hybridité les empêchent de se poser, de rester, d’habiter pleinement un seul endroit de la galaxie. Elles survivent en étant en mouvement, et c’est ce mouvement constant qui dilapide leur énergie.
La société voudrait les convaincre de leur inutilité et de leur impuissance. À vrai dire, les étranges personnes de couleur sont des machines de guerres, un contre-pouvoir qui s’ignore, des énergies qui sont dilapidées entre des forces en compétition constante, de la chair à canon, des meutes révolutionnaires.
Queer, étrange et tordu
Quand une culture identifie une pratique ou une manière d’être au monde comme « normale », on pose immédiatement son opposé : « déviant ». Les normes, basées sur la binarité de genre, sont hétéronormatives, blanches, bourgeoises et validistes. Les personnes qui ne sont pas identifiées comme « normales », qui sortent de ces catégories, subissent un contrôle social et des violences censées les punir pour leur déviance. Le système les décourage, les déshumanise, les exclue et tente de les éliminer. La marge n’est pas un phénomène de mode, ce n’est pas un choix, c’est une zone de non-droit mortifère. Le mouvement queer tente de comprendre comment sont construites les catégories « normal » et « déviant », comment elles opèrent et se renforcent, dans le but de les démanteler et de mettre fin aux inégalités basées sur les oppressions de genre.
Lire aussi l’article « Queer, vous avez dit queer? »
Queer, dans un environnement post-colonial
Le mouvement décolonial s’est développé pour résister à la domination continue des états colonialistes, qui opèrent encore après l’indépendance officielle des ex-colonies. Il dénonce l’exploitation des individus et des ressources par les états occidentaux ainsi que l’hégémonie culturelle qui permet de maintenir et justifier leurs politiques.
Dans la situation politique actuelle, les personnes non-blanches représentent la colonie et non pas la nation. Elles font partie d’une sous-catégorie de citoyens, sous-représentés, corvéables, silenciés, maintenus en marge, minorisés.
Si cette nation civilisée se vante d’être paisible, riche et prospère, c’est grâce au maintien d’un ordre hiérarchique strict et à une répartition inégale des richesses.
L’assimilation dans la nation française et son régime capitaliste n’est pas envisageable pour les personnes queer non-blanches.
Leur présence et leurs conditions sociales sont le fruit d’une gestion coloniale non-assumée et d’une exploitation qui n’a jamais connu de rupture, seulement des métamorphoses.