Queer? Vous avez dit queer?
Contre les bandes noires et marrons sur les drapeaux,
Pour les bandes de Noir.e.s et de Marron.e.s dans la rue!
Contre l’intégration dans le capitalisme et l’assimilation dans la nation des trans, pans, pédés et gouines!
Pour la révolution !
Plusieurs intellectuel.le.s et mouvements politiques s’accordent à penser et à dire que le mouvement queer – s’il existe – n’a rien de révolutionnaire. Nous n’aurions à faire qu’à une bande de folles, de butchs, d’indécis.e.s, de pervers.e.s, de gens bizarres aux problèmes pileux étranges et à la sexualité incontrôlable, des frigides, des putes, des salopes, des tordu.e.s, des âmes qui ont poussé de travers, des individus qui n’auraient aucune autre ambition que de saper le mouvement féministe, de diviser les mouvements antiracistes avec des idées de blancs, des erreurs vouées à pervertir la société dans son ensemble, à exploser les modèles familiaux et la sacro-sainte hétérosexualisation du monde.
Ce n’est pas totalement faux.
S’il existe, effectivement, une frange de queer non révolutionnaires et dépolitisés et une forme de mode queer qui fleurit dans le néolibéralisme, on ne peut se satisfaire d’une telle représentativité, tout simplement parce qu’elle est fausse.
Une partie non négligeable des personnes queer sont déjà dans des processus de révolution, qu’elles tentent de s’imposer dans le milieu universitaire ou de survivre dans les quartiers populaires. Elles ne sont pas toujours organisées ni même visibles, elles ne correspondent pas toujours à vos clichés et vos fantasmes. Leurs espaces sont souvent éphémères et secrets. Entre dangerosité et excentrisme, elles inspirent le dégoût.
Nous ne sommes pas des hommes.
Nous ne sommes pas des femmes.
Nous n’existons pas selon vos critères et vos normes binaires.
D’où elles se situent, ces étranges personnes perpétuent des pratiques, transmettent des outils pour se réapproprier leur corps, questionner les genres et les sexualités, la science, les religions, les relations humaines et celles qu’on entretient avec notre environnement.
D’où elles se situent, les étranges personnes se rendent compte que la norme révèle d’autres caractéristiques qui doivent être mises à l’épreuve : la race, la classe, le validisme. Se revendiquer queer ne nous permet pas de faire l’impasse de l’analyse de sa propre position sociale dans les différents systèmes d’oppressions.
Malgré la blanchité des productions queer (comme partout, j’ai envie de dire), ces espaces demeurent précieux pour les personnes queer et trans* qui subissent le racisme. Ces espaces ne sauraient rester amicaux s’ils se figent et ne se remettent pas en question. Ces espaces sont sensés supporter celleux qui cherchent à passer les frontières, qu’elles soient genrées ou nationales et non pas se vautrer dans l’assimilationnisme.
Pour nous aider à combattre les politiques racistes et sexistes et lutter contre l’homonationalisme, ces espaces doivent se radicaliser et se défaire de l’influence des politiques gay et capitalistes. Ils doivent se remémorer leur histoire et leur héritage, celles des luttes portées par les femmes et personnes trans de couleur.
Il devient urgent de réaffirmer une position queer révolutionnaire anticapitaliste et antiraciste, qui ne demande pas l’inclusion dans la nation, mais qui œuvre pour la mutation, en tant que processus individuel et collectif.
Comment des mouvements révolutionnaires deviennent des fêtes à la saucisse rémunératrices pour les éternels dominants?
Pouvez-vous vraiment vous revendiquer queer (et vous sentir légitime de parler en tant que tel pour dire des absurdités à la mode) lorsque que vous êtes cis hétéro/a ? Ceci au risque d’invisibiliser les luttes des gouines, pédés et trans?
Vous devez arrêter d’appeler vos événements « queer » si vous perpétuez les mêmes oppressions sexistes, classistes, racistes, capitalistes, validistes qu’on trouve partout ailleurs dans la société.
Un espace queer n’est pas juste une communauté gay ++ un peu alternative et un peu punk, qui ne s’interroge que sur l’esthétique et ne reprend du féminisme que le mot « pro-sexe ».
Cela ne poserait aucun problème si les personnes queer et trans de couleur, si les luttes queer les plus marginalisées possédaient moultes espaces pour se rencontrer, exister politiquement et s’organiser, mais c’est loin d’être le cas! Les moyens de la lutte ne sont pas dans nos mains! Personne, à part nous-mêmes, ne défend notre existence.
Vraiment, cela ne poserait pas de problème que vous vous revendiquiez tous queer s’il n’y avait pas une pratique d’effacement SYSTÉMATIQUE des personnes trans et racisées, effacement de leur existence, de leurs corps et des objets de leurs luttes.
Vous avez un passif et des habitudes culturelles qu’il faut mettre en lumière et l’histoire de « la marche des fiertés », ses dérives gay, capitalistes, son blanchiment en sont des preuves plus que flagrantes!
Il est important de revendiquer un mouvement de contestation, de résistance, de révolte joyeuse ET furieuse face à ces réappropriations et dérives, qui, sous couvert de modernité vernie de crasse, de performances artistiques pseudo transgressives et de libéralisme sauvage, ne font qu’étendre un pouvoir colonial – se disant moderne et civilisé -, sans aucune conscience, sans aucun esprit critique face aux injonctions nationales et aux normes de genre et de sexualité qui sont imposées aux personnes racisées à un niveau global. Sans aucune connaissance des politiques coloniales et de leurs discours reproduitS ad nauseam encore en 2017!
Le contrôle exercé sur nos corps par les médecins, la police, l’administration, et autres organes du pouvoir, est de plus en plus violent tandis qu’une bonne partie des queers blancs continue à danser en ignorant ou en validant ce pouvoir.
Les groupes qui s’acharnent à rendre la frontière entre LGBT/gay et queer de plus en plus poreuse sont problématiques. Si les hommes cis gay blancs sont majoritaires, à l’aise dans vos espaces et payés plus que les femmes, vous êtes problématiques. Si vous vous croyez safe et que vous demeurez entre blancs, vous n’êtes pas antiracistes. Si vos normes de beauté sont les mêmes que ceux d’un magazine people, vous n’êtes pas queer. Si vous entretenez un pouvoir économique envers des personnes queer et/ou racisées, si vous donnez les pleins pouvoirs, l’amour et le confort à ceux qui dominent partout ailleurs dans la société, vous ne pouvez pas vous revendiquer queer!